La typographie : création et publication d’un livre à la presse manuelle

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Depuis notre entrée dans l’ère du tout numérique certains métiers sont tombés aux oubliettes… Cependant, quelques uns semblent résister aux épreuves du temps!

En voici un : connaissez vous le métier de typographe? Ou l’art d’assembler des caractères mobiles en plomb ou en bois afin de créer des mots, des phrases, en vue de les imprimer?

Plus globalement, il s’agit de la technique d’assemblage et d’impression de surfaces (lettres, images) en relief (avec de l’encre à l’huile ou à l’eau, le plus communément).

Vous connaissez certainement Gutenberg qui a mis au point un ensemble de techniques en 1440, qui ont permis l’invention de l’imprimerie à caractères mobiles. Ces innovations ont bouleversé notre rapport à l’information et à la lecture qui n’étaient accessibles qu’à une partie limitée de la population…

 

La composition : assemblage des lettres sous forme de texte pour une mise en page prête à l’impression

 

Cela fait maintenant plus de deux ans que j’ai accès une fois par semaine à un atelier de typographie et de gravure. A ce titre, je tiens à remercier Marc Granier qui a l’amabilité de m’ouvrir les portes de son atelier « Sous les arbres » qui se trouve à Roquedur dans les Cévennes. Marc Granier est un artiste (peintre, graveur) qui gère également une maison d’édition : la maison d’édition « Les Monteils », avec laquelle j’ai publié un de mes poèmes : « La Thessalienne » en 2016, dont voici le lien sur son site ICI. Vous trouverez également un article avec plein d’images sur l’élaboration de ce livre, sur mon site web ICI.

 

Une presse manuelle

 

L’expérience

J’ai eu la sensation très agréable de revenir aux sources de la création d’un livre. J’estime avoir beaucoup de chance de publier un texte que j’ai écrit dans ces conditions, car cette expérience m’a permis de suivre le processus de A à Z, depuis le texte écrit sur une feuille de papier, jusqu’à l’impression de l’objet livresque.

Nombre de maisons d’éditions sous-traitent en effet l’impression, et la mise en page se fait désormais à l’aide de logiciels sur des ordinateurs. Il est d’ailleurs assez drôle de remarquer que nombre de termes encore utilisés de nos jours sont en fait des tournures qui étaient utilisées par les typographes d’antan : casse, composition, justification… D’autres sont tombés dans l’oubli comme distribution, composteur, vu que l’ordinateur a rendu ces taches obsolètes.

 

 

Les tiroirs contenant les casses : chaque tiroir contient un type de typo d’une taille spécifique

 

L’intention et l’outil

Est ce une bonne chose ou une mauvaise chose? Qui peut le dire? Au final, chaque outil a ses avantages et ses inconvénients. il s’agit d’identifier dans un premier temps les raisons qui me pousse à en choisir un plutôt qu’un autre. C’est là qu’intervient l’intention, qui est à la racine de la conception du projet, et qui influe également sur le choix de la méthode, et par extension de l’outil. Quelle est l’intention que je nourris? Pourquoi écrire? Pourquoi publier? Pour qui? Et comment le faire? La créativité est un processus : qu’est ce que je choisis de montrer de ce processus?

Il est certes plus facile de mettre un texte en page sur un ordinateur : on gagne du temps. La notion même d’édition implique un nombre de tirage spécifique. Quand la première édition est épuisée, et que la demande de la part des lecteurs est toujours au rendez-vous, les maisons d’édition se mettent à plancher sur une ré-édition.

J’aime bien cette idée, cette idée de tirage limité qui nous fait rappeler que le livre est aussi un objet que l’on choisi, et c’est d’autant plus le cas avec des livres imprimés à la presse manuelle, puisque chaque exemplaire est unique. Chacun pourra choisir son livre préféré pour des raisons qui lui appartiennent : une personne choisira celui avec les caractères plus appuyés, une autre avec le rouge des gravures plus prononcé, une autre encore parce qu’elle aime bien le chiffre 17 (et qu’elle choisira de prendre l’exemplaire n°17 à cet effet)…

Il existe autant de possibilités que d’êtres humains, car chaque être humain a une sensibilité qui lui est propre, ce qui fait de lui un être unique. En proposant des livres à tirages limités et uniques, nous nous donnons la possibilité d’ouvrir un espace-temps spécifique à la lecture en tant qu’expérience sensorielle, de par le grain et la qualité du papier, du degré de pression des lettres et des signes sur le papier pour créer du relief sur lequel la lumière va se poser. Le livre devient un objet à part entière que nous avons plaisir à tenir entre nos mains. Un livre de ce type, se regarde, se lit, se touche. Ainsi, nous prenons à nouveau le temps tant de nous connecter à nos sensations, qu’à l’expérience de la lecture. 

 

 

Un livre sur la typographie et le métier de typographe

 

 

Travailler ensemble

Nous avons travaillé ensemble à l’élaboration de ce livre. Marc a élaboré le chemin de fer, c’est à dire la maquette qui permet de visualiser la mise en page et la structure globale du livre. C’est à ce moment que nous avons choisi le type de caractère (Europe), ainsi que sa taille (corps 12) : une typo fine, simple et élégante. Quant à moi, j’ai composé le poème, c’est à dire que j’ai placé les lettres en plomb mobiles sur le composteur de manière à justifier le texte. Marc a fait les gravures sur bois pendant que j’imprimais les pages de texte sur une presse manuelle. Il a également fallu imprimer la couverture, le titre, les biographies, le colophon (partie finale qui contient tous les renseignements sur le livre et ceux qui y ont contribué), et enfin les gravures. C’est toute une organisation, car il faut attendre que l’encre sèche pour imprimer l’autre côté de la feuille. Une fois le texte imprimé, il a donc fallu attendre quelques jours pour imprimer les gravures. Une fois les feuilles bien sèches, je me suis mise à les relier (dans le bon ordre), pour finir par obtenir les 101 exemplaires initialement prévus. Pour finir Il nous fallait signer chaque exemplaire, Marc en tant qu’auteur des gravures, et moi même, en tant qu’auteur du poème.

J’apprécie énormément le fait que nous puissions associer nos compétences et nos ressources pour mener à bien un projet commun. C’est également avec cette intention que j’ai choisi d’écrire et de publier ce texte avec Marc dans son atelier et avec ses gravures, car il s’agit d’un travail qui a été mené et partagé à plusieurs. Ainsi, chacun s’intéresse à ce que l’autre peut proposer pour permettre au projet et aux personnes impliquées dans le projet d’évoluer. 

Et c’est ainsi que nous continuons à travailler ensemble sur d’autres projets avec d’autres auteurs, pourquoi pas avec vous 🙂 ?

 

L’intérieur d’un tiroir qui contient une casse, un ensemble de lettres et de signes d’un type et d’une taille spécifique

 

Encore des tiroirs de casses

 

Texte fraîchement imprimé à l’encre à l’huile en train de sécher

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